08 Avr Fashion Preview : La mode montréalaise en fête avec Helmer, Leinad Beaudet, Allcovered, Travis Taddeo et WRKDEPT
Hier soir, la mode montréalaise se réunissait à l’Agora Hydro-Québec de l’UQAM pour célébrer la “Nordicité”, thème proposé par l’équipe organisatrice de l’événement Fashion Preview.
Rendez-vous à 17h30 pour découvrir plusieurs créateurs et entrepreneurs montréalais venus présenter leurs produits dans la première salle du lieu, baptisée pour l’occasion “Le Village Accessoires“. L’occasion de voir (ou revoir) des noms pour la plupart inconnus du grand public tels que Annick Lévesque, David Charrette, Ella Dugré, Eve & Daphnée, Catherine Gaillard, Harricana, Holdur, Kinsu, Lajoie, Les Lares, L’Effet Papillon Créations, Maison Bourdon, Maison Godefroi, Mohawki Bijoux, PKY Design ou Quality Native Crafts.
Dans la seconde salle, qui accueillera plus tard les défilés, les étudiants en design de mode du Cégep Marie Victorin et de l’école supérieure de mode ESG UQAM exposent leurs interprétations respectives de la Nordicité dans “Les Espaces Capsule” qui leur sont dédiés. Un travail de la fourrure et du cuir qui force l’intérêt.
18h. Le grand rideau noir du fond de la salle s’ouvre sur le premier défilé de la soirée.
Helmer et ses petits pages royaux
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Postés sur un podium au centre de la salle, les mannequins d’Helmer, femmes et hommes, forment un tableau vivant. Ou plutôt figé car les regards sont fixes, les moues boudeuses, voire impertinentes. Cheveux mouillés et plaqués, les jeunes filles apparaissent comme de petits pages de cour royale. Des pages faussement sages, dont les blouses en organza blanc jouent avec la transparence pour attiser le regard des curieux. Un contraste saisissant entre ces pièces imposantes empreintes de légèreté, et les cols à collerettes délirantes des chemises en coton qui engoncent le cou, le faisant presque disparaître.
La vision d’Helmer est poétique, le jeu de tissus et texture maîtrisé: les longs manteaux de laine aux couleurs de terre (ocre, beige, rouge, blanc cassé) se mêlent aux blouses courtes et froufrous d’organza blanc, aux chemises blanches en coton, ponctués de gants en satin noir ou de dentelle blanche. Les jambes sont nues, dévoilées par des shorts en dentelle ou de sport qui tranchent comme un anachronisme. Côté hommes, même jeu de textures et de couleurs. Les costumes sont en laine rouge vif et tissée, ou en tissus moiré violet aux reflets irrités argenté. Une fantaisie accentuée par les sandales de plage qui claquent revisitées, dans un mix de cuir et de bois clair. Face à ces sculptures vivantes, les spectateurs s’approchent, tournent autour du podium, observent les détails. Une expérience immersive dans le défilé qui séduit.
Leinad Beaudet, l’art de l’équilibre entre austérité et mouvement
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Après avoir patienté pendant que les équipes installaient le second défilé, celui de Leinad Beaudet, nous découvrons un tout autre décor. Cette fois, les chaises pliantes noires ont trouvé leur utilisation classique en rangées. La musique commence. Quelques regards d’interrogation sont échangés jusqu’à ce qu’une jeune fille se lève de sa chaise, se faufile entre les spectateurs jusqu’à rejoindre la passerelle improvisée au centre. Elle avance vers les photographe, fait demi tour, se retourne, fait la moue, et reprend son chemin jusqu’à ce qui constituera plus tard, quand chacune des mannequins se sera levée une à une de sa place disséminée dans le public, une photographie vivante. Le genre de photographie de famille à l’époque de la ruée vers l’or.
L’esprit est décalé, entre l’élégance des jupes à taille haute, longues ou midi, aux drapés ou tombés arrière en pointe, l’austérité chic des manteaux aux coupes droites minimalistes et tons neutres (noir, blanc, taupe), ou des robes longues inspirées de la mode mormone, avec leurs cols montants et leurs épaulettes remontées à la mode 1900. Une élégance austère qui s’équilibre par la fraîcheur du mouvement des coupes et des matières: qu’il s’agisse de cette blouse couleur crème aux longues manches fluides, dont l’échancré jusqu’au nombril devient mutin dès lors qu’il est sagement boutonné. Ou ces manteaux aux manches larges coupés au dessus du coude, qui rebiquent vers l’extérieur avec frivolité et légèreté. Chez Leinad Beaudet, tout est question de subtilité. Un designer de mode québécois à surveiller avec grand intérêt, c’est certain.
All Covered Fashion, pour la femme urbaine
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Pour ce troisième défilé de Fashion Preview, nous quittons l’univers poétique et chimérique de Leinad Beaudet pour les silhouettes urbaines de Noemi Harvey, créatrice de All Covered Fashion. Contrairement au rythme de la musique pop, les mannequins défilent lentement par déhanchés. L’air déterminé, elles arborent des ensembles pantalon et top coupés qui nous plongent instantanément dans nos souvenirs de mode des années 1990. Place aux tissus en polyester, pour la femme active qui veut un vêtement facile à entretenir. Les coupes sont droites, tout en recherchant l’originalité dans le style déstructuré : pans de robes asymétriques, jupes-shorts longs devant, court derrière, top coupé en diagonale, laissant une épaule dénudée. Les tenues se veulent pratiques avec leurs zips dans le dos, les salopettes-short qu’on enfile d’un coup sans se poser trop de question. Féminité aux frontières de la vulgarité, la peau est omniprésente, nue sinon ultra-moulée. À l’écran, All Covered annonçait d’emblée ses mots d’ordre: simplicity, modern, feminine, boldness, structured. Une interprétation personnelle de la mode montréalaise féminine.
Travis Taddeo célèbre la mode montréalaise version street wear chic
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Rien d’étonnant en découvrant les silhouettes conçues par Travis Taddeo, qui tient depuis ses tout premiers défilés une même ligne directrice: celle d’un street wear moderne et luxueux, avec une touche résolument minimaliste. Encore une fois, ce grand amoureux du jersey confortable a séduit ses fans. Ils étaient d’ailleurs nombreux à n’avoir fait le déplacement que pour lui, insufflant une nouvelle énergie dans la salle. Sur la passerelle, un défilé exclusivement noir (à l’exception des chaussures de sport blanche aux pieds).
Toute la maîtrise du créateur s’exprime dans son utilisation des matières : allant du cuir, au jersey fluide pour les t-shirts, épais pour les sweaters estampillés Travis Taddeo, filet en résille, jeans assoupli par le stretch, coton strict des chemises. Des matières dont les volumes, toujours confortables, jouent avec des coupes tantôt larges (shorts en cuir, tshirts, vestes), tantôt courtes (jupe en cuir, dos nus des robes), voire ultra moulantes. Véritable clou du spectacle, la fameuse “dangereuse” petite robe noire dont Travis Taddeo a fait sa marque de fabrique. Une robe noire et longue qui caresse les chevilles, en jersey fin, moulant sur le haut du corps, ample sur les jambes. Une vision sculpturale, sur une mannequin tout en courbes féminines. Du grand Travis Taddeo.
WRKDEPT, la mode interchangeable supra-galactique
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Fidèle à sa réputation avant-gardiste et déjantée, la griffe montréalaise WRKDEPT d’Andy Long Hoang a proposé une installation oscillant entre le défilé de mode et l’installation artistique. À l’instar d’Helmer, WRKDEPT a placé son podium de telle façon à ce que chacun puisse tourner autour et s’approprier les détails.
Le concept poussé par WRKDEPT? Une mode interchangeable et réversible, sur le thème du “Bed & Breakfast”. D’où certainement, les regards blasés des mannequins, les regards insolents de ceux qu’on dérange. Sortent-ils de leur lit avec leurs manteaux robes de chambres en laine portés jambes nues et brutes, laissant présager qu’ils ne portent rien dessous? Sortent-ils de leur douche avec leurs cheveux mouillés laissant échapper quelques mèches en serpentin collées au visage?
Les manches sont trop longues, les postures figées. Aussi figés que les sacs et bijoux en bois, dont la rigidité semble emprisonner les corps. Lorsqu’ils portent des pantalons, ceux-ci ont été coupés court, à cet endroit inconfortable juste à la cheville. Les jambes paraissent alors surdimensionnées. À leurs pieds, les mêmes claquettes en cuir et bois que celles du défilé d’Helmer.
Dynamisés par une musique hip hop entraînante, nous découvrons les sacs à dos en cuir et en bois qui s’éventrent, les silhouettes aux teintes chaudes de terre (ocre, terracotta, brun) tout droit sorties de Star Wars. Un clin d’oeil pop années 1980 qu’on retrouve sur les tshirts col roulé au graphisme éclaté ou estampillé des étiquettes de produits de grande surface, informant les consommateurs des valeurs nutritives. Le mélange des genres s’opère avec force, laissant le spectateur aussi émerveillé que dubitatif. Curieux et décontenancé. WRKDEPT repousse les limites du bon goût et du style. Le tableau de mode se déroule comme une histoire et fait voyager. Il suffit d’observer les spectateurs ausculter chaque détail, s’approcher, se reculer.
Nous laissons cette nouvelle peuplade du désert supra-galactique se faire rhabiller et interchanger en direct, l’esprit sinon conquis, pour le moins intrigué.
A propos de Fashion Preview:
L’évènement Fashion Preview est organisé depuis 2014 par l’organisme sans but lucratif Mode Avant-Première, dans le but de promouvoir le milieu de la mode montréalaise. Fashion Preview offre ainsi, à chaque édition, un tremplin pour la relève et un podium pour les designers plus établis de façon à les faire rayonner tant localement qu’internationalement.
Renseignements sur: fashion-preview.ca
(c) Texte et photos: Sarah Meublat