18 Aoû Eleganza: la mode italienne au musée McCord
Le Musée McCord accueille jusqu’au 25 septembre une exposition absolument sublime: Eleganza – La mode italienne de 1945 à aujourd’hui. Organisée par le Victoria and Albert Museum de Londres, et présentée par Holt Renfrew, cette exposition propose un voyage à la découverte de l’élégance à l’italienne et de ses artisans. Un rappel de ses racines, de ses spécificités autant territoriales que stylistiques, de son âge d’or et des défis rencontrés aujourd’hui par les designers et couturiers italiens, à l’heure de la mondialisation.
Petite histoire de la mode italienne
L’exposition commence par un retour aux débuts de la mode italienne. Nous sommes à la sortie de la Seconde Guerre Mondiale, dans les années 1950. La mode italienne est alors représentée par la couturière de quartier, la sarta, qui confectionne les vêtements des familles italiennes aisées en reproduisant les modèles découpés dans les magazines. C’est notamment le cas de Margaret Abegg, épouse d’un riche marchand de tissus à Turin, qui fait appel à la célèbre couturière de l’époque Maria Grimaldi pour lui confectionner des tailleurs et des robes de soirées. Quelques-unes des pièces de sa garde-robe sont d’ailleurs exposées au musée. À cette époque, 80% des vêtements sont encore faits à la main.
Les choses changent dans les années 1960 avec l’apparition des premières machines. Les fabriques de textile fin et les tanneries de cuir s’adaptent à la production manufacturière et aux méthodes industrielles. Les années 1960 sont également marquées par l’âge d’or du cinéma italien et des célèbres studios de Cinecittà à Rome. Les tournages de films comme Vacances Romaines ou Cléopâtre voient affluer les plus grandes stars hollywoodiennes de l’époque. Habillées par les couturiers italiens les plus en vogue, ces stars deviennent de véritables vitrines pour la mode italienne à l’étranger. Les magazines de mode et de potins publient leurs photos, sublimées par la dolce vita italienne. On pense notamment à Audrey Hepburn, dont la célèbre robe confectionnée par l’entreprise italienne Gattinoni pour le film Guerre et Paix a fait le tour du monde.
Les codes de l’élégance à l’italienne
Le costume pour homme
En remontant l’évolution de la mode italienne des années 1950 à nos jours, quelques codes se dessinent. Pièce emblématique du vestiaire italien, le costume se décline sous toutes ses coutures. Des complets en coton imprimé léger pour l’été aux costumes lourds de laine pour l’hiver, le visiteur prend la mesure de leurs tombés impeccables et de leurs lignes architecturales. Jouant avec les détails et les couleurs, les costumes se parent de mouchoirs aux tissus imprimés glissés dans la poche des vestes, ou se présentent de façon dépareillée. C’est la griffe Zegna qui a introduit pour la première fois le “broken suit”, ou Spezzato en italien, cet art de dépareiller le pantalon et la veste. Moins formel que le complet classique, le costume dépareillé joue avec les textures et les couleurs sans jamais renier l’élégance masculine à l’italienne.
La robe de soirée
Autre pièce magistrale de l’élégance à l’italienne: la robe du soir ou de cocktail. Dès les premiers défilés de mode organisés à partir de 1952 par Giovanni Battista Giorgini dans la Sala Bianca du palais Pitti à Florence, la mode italienne se révèle à travers ses sublimes robes. Ce sont elles qui attirent les acheteurs nord-américains, qui commencent dès les années 1950 à intégrer l’Italie dans leur parcours d’achat à l’international. Distinguées, ajustées et infiniment chic, les robes à l’italienne séduisent par leur théâtralité. Un sens du spectacle qui continue, encore aujourd’hui, d’influencer les designers locaux. On pense évidemment aux sublimes robes de Valentino, mais également aux robes liturgiques de Dolce & Gabbana.
Les couleurs et imprimés
La mode italienne détonne par la richesse de ses imprimés et son effusion de couleurs. À l’opposé des styles minimalistes de la mode nordique, la mode à l’italienne a misé depuis ses débuts sur le savoir-faire ancestral de ses artisans. Que ce soient les soieries chinées puis imprimées à la main, les laines teintées ou le travail du cuir, la variété des techniques développées par les petites entreprises familiales d’Italie sont autant d’opportunités pour réinventer la mode et se différencier. On pense aux robes de laine mélangée et asymétriques de Missoni, aux robes de cuir assoupli de Nicola Trussardi, à cette robe étonnante (à gauche) de Valentino ou cet ensemble à imprimé tropical de Fausto Puglisi (à droite), l’étoile montante de la mode italienne actuelle.
Les accessoires
Souliers, gants, sacs: autant d’accessoires indissociables de l’élégance italienne. Là encore, l’influence des tanneries de Toscane a profondément marqué l’industrie locale. Au point d’ériger l’accessoire en incontournable, redoublant d’inventivité et de virtuosité dans la confection de ces pièces qui ne cessent de s’exporter avec prestige. Les bottines (ci-dessous) créées par Dolce & Gabbana pour leur collection printemps-été 2001 en sont un parfait exemple. Avec leur cuir garni de perles, de strass et de broderies au fil métallique, elles illustrent à merveille la démesure baroque à l’italienne.
La mode italienne à l’heure de la mondialisation
La tradition des distretti produttivi
L’une des particularités de la mode italienne réside dans son organisation régionale. Depuis des décennies, le territoire italien est découpé en grappes de savoir-faire artisanal, ou districts de production, constitués de petites entreprises familiales spécialisées qui collaborent entre elles. C’est ainsi que, traditionnellement, la Toscane se spécialise dans le travail du cuir, la région autour de Côme produit quelques-uns des tissus les plus luxueux et recherchés en travaillant les soies de grande qualité importée de Chine. La région de Biella, aux pieds des Alpes, se spécialise dans la production d’étoffes de laine, utilisées pour la confection des costumes pour hommes et des vêtements de soirée. Avec les années, Prato est devenu le centre industriel de la mode italienne. Ce bout de Toscane regroupe un grand nombre de petits producteurs capables de s’adapter avec rapidité, grâce à la précision et la technique de leurs machines, aux changements du marché. Depuis peu, la région accueille de nombreux entrepreneurs venus de Chine, qui se spécialisent dans la production de vêtements pour les grandes griffes internationales d’ameublement et de mode.
Quel avenir pour la mode italienne?
L’économie italienne connaît des turpitudes notoires et le manque de main d’oeuvre jeune reste l’un des enjeux principaux qu’il conviendra de relever pour que la mode italienne puisse continuer de rayonner. Mais le style italien reste une inspiration pour le monde entier. S’il est vrai que les plus grandes maisons de couture italiennes sont aujourd’hui la propriété d’intérêts étrangers, et que le gouvernement italien n’a jamais poussé la mode comme un secteur industriel à potentiel économique, les petits entrepreneurs italiens entendent bien continuer de transmettre leur savoir-faire. C’est que le désir de qualité et l’attrait pour le fait-main font leur grand retour. Une tendance d’ailleurs observée à l’échelle planétaire: de Paris à Montréal. C’est sur cette exigence de haute qualité que les designers et artisans de mode italiens misent pour se différencier. Ainsi par exemple, plutôt que de choisir une doublure synthétique pour l’intérieur de ses costumes, une marque continuera de proposer des doublures en soie.
Un certain culte du créateur de mode fait ainsi son apparition. Ce qui unit ces nouvelles stars de la mode? Une clientèle fidèle courtisée avec attention, une valorisation de la production italienne et une exigence de haute qualité. Bien qu’inquantifiables, la passion et l’humanisme qui transparaissent dans les réalisations sont indéniables pour qui s’intéresse véritablement au vêtement. Une approche qui s’impose en contrepied de la fast fashion encore prédominante, mais qui continue de faire rêver des générations d’amoureux de la mode.
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Crédit photo: Marilyn Aitken/Musée McCord